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Haruna Darbo <[log in to unmask]>
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Thu, 30 Dec 2010 20:56:47 -0500
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Haruna. Try to understand and enjoy.

 

 

Face à l’isolement africain et  international, Laurent Gbagbo pour « une 

république gbagboïste » 

 

Pas un jour, désormais, sans Laurent Gbagbo à  la « une » de la presse 

française ! Même la « trêve des  confiseurs » n’aura pas permis d’y échapper. 

Et ceux qui, pour des raisons  politiques « collatérales » (ne pas être du 

côté du manche et des  partisans de l’usage de la force) entendaient nuancer 

leur propos sur le  « président sortant mais toujours pas sorti de Côte d’

Ivoire » (Le  Canard enchaîné) se lassent d’une situation qui, vue d’ailleurs, 

semble  inextricable. 

Les « rois mages » de la Cédéao (cf. LDD Cédéao 006  et 007/Lundi 27 et 

Mardi 28 décembre 2010) sont repartis comme ils étaient  venus ; bien 

accueillis par un Gbagbo souriant et serein, « sûr de lui  et dominateur » comme à l’

accoutumée. Politiquement incompréhensible pour  les commentateurs qui 

dressent la liste de plus en plus longue des exactions du  « boulanger » d’

Abidjan et des mesures d’isolement prises à son égard.  C’est oublier que Gbagbo 

est au pouvoir depuis dix ans ; c’est oublier  qu’il n’a jamais envisagé de 

« perdre » une présidentielle dont il n’a  cessé de repousser l’échéance ; 

c’est oublier qu’il est Laurent « j’y  suis, j’y reste ». Et qu’il s’est 

préparé à tout cela quand l’opposition a  pensé qu’il suffisait de jouer 

le jeu démocratique pour en finir avec lui et sa  présidence de facto. 

Passée l’inquiétude des premiers jours, Gbagbo, désormais, jubile.  Depuis 

un mois qu’on les profère, les menaces d’intervention armée semblent de  

moins en moins crédibles ; et les mesures d’isolement prises à l’encontre  de 

Gbagbo et de sa clique ne lui font ni chaud ni froid : bien au  contraire, 

elles le renforcent dans sa conviction que la « république  gbagboïste » 

doit prendre la suite de la République de Côte d’Ivoire. 

Pour comprendre la situation qui prévaut aujourd’hui en  « gbagbonie », il 

faut relire le texte de Jean-Pierre Dozon :  « Les Bété : une création 

coloniale » publié en 1985 dans  « Au cœur de l’ethnie. Ethnies, tribalisme et 

Etat en Afrique »  (éditions La Découverte) ; sans jamais perdre de vue l’

avertissement de  Dozon : « Au lieu d’expliquer les enjeux politiques en 

fonction des  appartenances ethniques, il nous paraît plus juste d’analyser ces 

appartenances,  ou plutôt ces regroupements, comme l’expression politique de 

rapports sociaux  qui se sont élaborés aussi bien à l’échelle locale qu’au 

niveau du territoire  national ». 

Le pays bété (d’où est originaire Gbagbo) a été celui qui a  résisté le 

plus longtemps à la pénétration coloniale. Les populations se sont  ainsi forgé 

une réputation guerrière et ont adopté un comportement radical non  

seulement face à la France coloniale mais également face à Félix  Houphouët-Boigny 

et au PDCI-RDA, le parti majoritaire (pour ne pas dire  hégémonique). Mais 

sur les terres des Bété, la colonisation puis l’indépendance  vont 

marginaliser les populations autochtones au profit des groupes  allochtones. 

Les petits planteurs bété vont subir la pression d’une bourgeoisie  locale 

: gros planteurs, commerçants, transporteurs, notables ; une  bourgeoisie 

composée essentiellement « d’étrangers » : Dioula,  Baoulé, Dahoméens. Cette 

situation, précise Dozon, va instaurer  « progressivement un rapport inégal 

entre autochtones et allochtones  conduisant les uns à la paupérisation et 

permettant aux autres une éventuelle  accumulation ». 

L’exacerbation des tensions entre autochtones et allochtones,  avivée par 

la marginalisation politique des Bété, va être à l’origine de  « l’affaire » 

du 26 octobre 1970. Un étudiant, Nragbé Kragbé va  prendre la tête d’un 

mouvement de contestation contre les autorités  « étrangères » installées à 

Gagnoa. 

Objectif : la « désivoirisation » des bâtiments  publics et la proclamation 

de la « République d’Eburnie » dont la  première revendication sera « l’

exigence du départ des étrangers installés  en pays bété » (Dozon). Un temps 

bousculées par les manifestants qui ont  revêtus les tenues traditionnelles 

des guerriers bété, les autorités vont faire  appel à la gendarmerie puis à l’

armée. 

La répression va frapper non seulement les manifestants mais les  villages 

dont ils sont originaires. Quelques dizaines, quelques centaines,  quelques 

milliers…, le décompte des victimes ne sera jamais établi (il y aurait  eu 

deux cents arrestations ; les protagonistes, jugés en 1976, seront alors  

tous libérés). Dozon écrit : « Dans cette aspiration clairement  séparatiste, 

les Bété sous la houlette de leur « avant-garde » (région  de Gagnoa) sont 

propulsés chefs de file d’une vaste région dont les diverses  populations 

partagent avec ces derniers toute une série de  caractéristiques ». Il ajoute : 

« La rébellion de Gagnoa a  renforcé l’ethnie bété dans son rôle de groupe 

virtuellement oppositionnel, et  les rumeurs qui circulent ici et là à son 

endroit amplifient le mouvement de  l’ethnicité ». 

Quarante ans plus tard, la « République d’Eburnie »  tente de se réinventer 

dans la « république gabgboïste ». On notera  qu’en 1970, la « rébellion » 

des Bété visait à réinstaurer leur  souveraineté sur leur fief, Gagnoa. C’

était un mouvement séparatiste  « régional », fondé sur l’exclusion des « 

étrangers », qui  n’envisagera jamais de conquérir un pouvoir « national » et de 

 s’installer à Abidjan. 

C’était un mouvement de repli sur soi et d’exclusion de  l’autre ; rien de 

« révolutionnaire ». Gbagbo est dans la même  logique. La naïveté en moins. 

La communauté internationale, la communauté  africaine, les institutions 

régionales, le territoire de la République  ivoirienne, Gbagbo se moque bien 

de tout cela. Il oppose le repli sur soi à ce  qu’il présente comme l’

ambition hégémonique des uns et des autres. C’est oublier  que si Abidjan et sa 

région concentrent effectivement un tiers des Ivoiriens, la  richesse du pays 

est diffuse sur tout le territoire national et que sa mise en  valeur a été 

assurée (et est encore assurée) par une population d’origine  « étrangère ». 

Gbagbo a une vision réactionnaire, sectaire, totalement dépassée  de ce qu’

est la place de la Côte d’Ivoire dans l’Afrique contemporaine ; il  n’est 

pas le tenant d’une « africanité » qui s’appuierait sur un mode  d’

organisation sociale traditionnel ancré dans l’histoire de son pays (à  l’instar de 

ce que Julius K. Nyerere, en Tanzanie, pensait devoir être l’Ujamaa,  un 

mode de production socialiste africain). Il a une conception étroite,  limitée, 

patrimoniale de sa fonction. Il n’ambitionne rien d’autre que d’être un  « 

chef de village ». 

Dans la conjoncture actuelle, c’est inconcevable pour une majorité  d’

Ivoiriens et plus encore pour les pays de la sous-région. C’est inconcevable  

également pour les puissances « occidentales » confrontées, tout à la  fois, à 

une insécurité croissante en Afrique de l’Ouest et à la perspective de  sa 

déstabilisation, ce qui ne manquerait pas de provoquer un mouvement d’exode  

massif vers les rivages européens. 

Ceux qui pensent que Gbagbo, c’est la modernité se trompent. Ceux  qui 

pensent que c’est une juste réactivité à l’égard d’une mondialisation  injuste 

se trompent plus encore. Ceux qui pensent que Gbagbo, c’est la dignité  

africaine face à l’indignité internationale, le « nationaliste » qui  se dresse 

face aux « impérialistes » US et français, oublient que l’on  ne juge pas l’

homme uniquement sur ce qui se passe aujourd’hui mais sur un bilan  qui 

couvre désormais plus de vingt années de l’histoire politique, économique et  

sociale de la Côte d’Ivoire. 

Gbagbo peut bien penser déstabiliser la sous-région en expulsant  la moitié 

de l’actuelle population ivoirienne ; mais ce ne sont pas les  mercenaires 

libériens ou les experts « géopolitiques » angolais qui  vont se mettre au 

travail dans les plantations, au volant des camions et des  taxis, dans les 

échoppes… L’histoire a fait de la Côte d’Ivoire une terre des  hommes. 

Gbagbo en fait la terre du désespoir. Jusqu’à quand ? 

Jean-Pierre BEJOT 

LA Dépêche Diplomatique 

30 Décembre  2010.





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