Monsieur le Président, voilà neuf mois que vous êtes au pouvoir. Dans quel état avez-vous trouvé le pays ?
J’ai
déjà dit aux Guinéens que j’ai hérité d’un pays et pas d’un État. J’ai
hérité d’un État presque en état de faillite. Vous savez, en 2009, le
Conseil national pour la démocratie et le développement (Cndd) a sorti,
en dix mois, plus d’argent que la Guinée de 1958, à la mort du président
Lansana Conté. La Banque Centrale était quasiment en faillite. Il me
fallait donc me recentrer sur les réformes structurelles. Mais je ferai
comme Alexandre le Grand, c’est-à-dire que je ne vais pas essayer de
dénouer le nœud gordien, je vais utiliser l’épée pour couper ce nœud
gordien. Ce qui a d’ailleurs fait dire aux gens que je prenais trop de
risques, en m’attaquant à la fois à trop de forces. Mais j’étais obligé
de le faire, sinon j’allais être pris dans la nasse et réduit à
l’inaction. Il fallait donc trancher sur le vif.
Vous avez
récemment déclaré qu’il est sorti plus d’argent durant la transition,
qu’en 50 ans de régime des Présidents Sékou Touré et Lansana Konté. Cela
veut dire quoi ?
Mais jugez-en par vous-même. La Banque
Centrale va vous donner les chiffres et vous allez voir par vous-même.
On a sorti plus d’argent durant la transition qu’en 50 ans et j’ai
hérité de cette situation.
Justement où en êtes-vous, monsieur
le Président, avec les audits qui doivent donner une certaine
visibilité de la situation économique ?
(La mine subitement
grave). Je vais publier les audits. Même si on ne poursuit pas les gens,
il faut publier les audits. Car si on poursuit, vous allez être les
premiers à dire depuis Dakar : « voilà, il s’attaque aux opposants… », «
Ce sont des règlements de comptes » etc... Mais je vais publier les
audits. Car, c’est le droit du peuple de savoir. C’est la Commission
d’audit qui va s’en charger. Sans doute qu’elle est en train de
finaliser certains documents. Je vais les publier.
Y a-t-il un échéancier pour la publication de cette liste ?
J’ai
demandé à la commission d’audits de publier. Je pense qu’il y a
quelques compléments. Je vous signale que les audits ont été faits avant
moi. C’est sous le Comité militaire que cela a été fait. Le nouveau
Comité que j’ai mis en place continue le travail.
L’audit des
marchés publics a, semble-t-il, permis de mettre en valeur des pratiques
surréalistes, des gaspillages, détournements etc, selon le Secrétaire
général de la Présidence ?
Je vais vous donner le rapport de
la cour des comptes. C’est la Banque mondiale qui a financé l’audit
réalisé par la Cour des Comptes Française. Qui nous a proposé de geler
tous les contrats qui ont été passés de gré à gré. Nous avons gelé tous
les contrats, nous allons négocier les contrats qui sont utiles pour le
pays, en allant maintenant au niveau du prix réel. Par exemple, si c’est
dans l’immobilier, nous faisons le contrôle technique avec des
ingénieurs. La Cour des Comptes revient pour réévaluer le marché. On
propose à l’entrepreneur le prix exact. S’il ne veut pas, on vérifie ce
qu’il a reçu par rapport à ce qu’il a fait et on prend un autre
entrepreneur. Mais il appartient à l’Agence judiciaire de poursuivre les
gens. Pour le moment, nous attendons que chaque contrat soit revu. De
toutes les façons, il y a des contrats que nous avons décidé de ne pas
payer.
Quels contrats par exemple ?
Il y en a trop. Je vais vous donner la liste après…
Vous pouvez quand même citer quelques exemples.
Comme
par exemple le contrat de construction de certains immeubles. Les camps
militaires par exemple. L’ambassadeur des États-Unis en Guinée, revenu
de Kankan m’a dit : « Monsieur le Président, le camp de Kankan, c’est
une honte, vous êtes obligé de tout casser et recommencer à zéro ».
Pourtant des entrepreneurs y étaient pour faire ce camp. Et ils ont été
payés. Voyez-vous !
C’est la gravité de cette situation qui vous installe, sans doute, dans une fragilité de fait ?
Avant
d’être Président, je connaissais déjà cette situation. Donc j’assume
mes responsabilités. Je ne suis pas dans une situation de fragilité,
parce que je dis la vérité au peuple. J’ai dit au peuple, nous allons
souffrir. Le changement ne va pas se faire sans souffrance. Nous allons
souffrir pendant un moment. Et le grand imam (NDLR, de Conakry) m’a dit
qu’il vaut mieux accepter de souffrir, aujourd’hui pour avoir le bonheur
demain. 1958, nous avons eu l’indépendance mais dans la pauvreté, 2012,
nous allons avoir la prospérité et la liberté. Tout cela va se faire
dans les 5 ans à venir.
C’est exactement ce que Sékou Touré disait…
(Il
coupe). Non. Sékou Touré a dit nous préférons la liberté dans la
pauvreté. Moi, je dis, nous voulons la liberté dans la prospérité. C’est
différent. Nous avions l’indépendance mais sans prospérité. Maintenant
nous travaillons activement pour assurer notre développement.
Vous
avez parlé de réformer l’État en accédant au pouvoir, de le moderniser.
Sur quels éléments précis comptez-vous mettre l’accent ?
Sur
deux choses principales : la première chose, c’est la lutte contre
l’impunité. Et deuxièmement, ce sont les réformes structurelles. On a
commencé par faire l’unicité des caisses, parce que l’hémorragie se
faisait à travers les comptes de l’État dans les différentes banques.
Nous avons modifié les rapports entre la Banque Centrale et le Trésor.
Il n’est plus question de décaisser n’importe comment. La Banque
Centrale remet de l’argent au Trésor en contrepartie de devises.
Ensuite, grâce à l’audit de la Cour des Comptes, nous avons pu geler
tous les contrats passé en 2009, 2010, qui étaient tous des contrats de
gré à gré de 2009. Parce qu’aussi, ce sont des contrats qui étaient
surfacturés, parfois jusqu’à 200%. Nous avons obligé les débiteurs de
l’État à rembourser. Ils ont effectivement commencé à le faire. Nous
avons essayé de faire comprendre au peuple guinéen que nous avons une
année difficile à passer, parce que le Fonds monétaire international
(FMI) nous a demandé de réduire le déficit budgétaire de -13% en 2010 à
-2%. Ce que l’on n’a même pas demandé à la Grèce. Mais comme nous
comptons rapidement atteindre le Fonds d’achèvement ( ?) du Fpte, nous
avons accepté ces conditions draconiennes. J’ai pu obtenir 700 millions
de dollars d’indemnités de Rio Tinto, mais le Fonds monétaire me demande
de ne pas les utiliser, parce que, me dit-on, cela va augmenter la
masse monétaire et l’inflation. Donc, je ne peux utiliser l’argent que
dans le domaine de l’Énergie par exemple et mettre une partie de
l’argent dans un fonds d’investissement, alors que j’ai des hôpitaux,
des écoles etc. Voilà, j’ai l’argent, mais je ne peux pas l’utiliser
pour faire face aux besoins des populations. Voyez-vous, ce n’est pas
simple…
La nouvelle République, née en décembre dernier, a
hérité d’une armée à problèmes. On parle d’effectif pléthorique, de
corruption des gradés, de clivages ethniques, de conflits de génération,
d’impunité entre autres. Où en êtes-vous avec la réforme de l’armée ?
D’abord
nous avons réussi à délocaliser toutes les armes lourdes et les armes
collectives. Avant, lorsque vous veniez à Conakry, il y avait des armes
partout et vous voyiez les militaires se promener avec. Nous avons
réussi à mettre fin à cela. Nous avons mis fin aux barrages, car c’était
aussi des occasions de rackets. Évidemment après l’attentat du 19
juillet dernier, nous sommes obligés, pour pouvoir arrêter les
différents complices, de mettre des barrages à partir de 22 heures. Nous
avons délocalisé les armes lourdes à l’intérieur du pays. Nous avons
ramené l’armée dans les casernes, maintenant c’est la Police et la
Gendarmerie qui assurent la sécurité. Ensuite, nous allons commencer le
recensement biométrique de l’Armée durant ce mois de septembre, pour
connaître l’effectif de l’Armée et de la Fonction publique. Nous avons
décidé, sur proposition de l’armée elle-même, de mettre à la retraite
4200 militaires avec des mesures d’accompagnement, avec trois mois de
salaire par exemple. On va mobiliser une banque pour les mesures
d’accompagnement,pour leur reconversion soit dans l’agriculture, soit
dans d’autres métiers. Il y a ensuite la réforme de l’Armée, engagée
avec la communauté internationale sous la direction de votre
compatriote, le Général Lamine Cissé. Ce processus avance vite et bien.
Mais
M. le Président, à côté de ce tableau que vous décrivez, il y a quand
même des problèmes ethniques au sein de l’Armée en particulier et de la
société en général…
(Sévère). Vous savez, il y a une campagne
de diffamation en Guinée. Vous êtes à Conakry et vous vous êtes
vous-mêmes promené, pour constater s’il y a un problème ethnique ou pas.
Si vous voulez, nous n’avons pas la chance du Sénégal où tout le monde
parle Wolof. Vous savez, les problèmes religieux ou ethniques, c’est
bien souvent de la manipulation. Lorsqu’un homme politique n’a plus de
programme pour convaincre, il utilise des arguments irrationnels, soit
dans la religion, soit dans l’ethnie. C’est de la manipulation. Il est
vrai que dans l’histoire de la Guinée, nous avons connu beaucoup de
problèmes. Il y a eu le camp Boiro, les événements de 1985, 1991, 2006,
2007 et puis le 28 septembre dernier, au stade de Conakry. Nous avons
vécu beaucoup d’épreuves qui ont déchiré le tissu. C’est pourquoi, il
est extrêmement important que la Guinée se réconcilie, mais nous avons
eu des élections libres et démocratiques. La Guinée a retrouvé sa pleine
souveraineté. Nous allons faire la réconciliation, en fonction de notre
histoire et de notre vision. Nous n’accepterons plus que quelqu’un nous
dicte la façon de faire la réconciliation et d’organiser nos élections.
C’est pourquoi d’ailleurs, nous finançons nous-mêmes nos élections,
parce que lorsque vous recevez un financement de l’extérieur, il y a des
contraintes auxquelles il faut impérativement faire face.
Restons
encore sur ce registre des crispations ethniques. Monsieur le
Président, des cadres de ce pays relèvent que pour être promu à des
postes importants de l’administration, il faut être issu de l’ethnie
Malinké dont vous êtes issu. On parle beaucoup de ministères comme ceux
de la Santé, des Transports, des Grands Travaux, de l’Énergie etc. Ce
sont quand même des accusations à la fois précises et graves. Quel
traitement comptez-vous appliquer à ces problèmes ?
Vous
savez que c’est une très grande malhonnêteté. Vous avez trois régions en
Guinée, la Haute Guinée, la Forêt et la Basse Guinée qui sont «
Mandingue ». La Forêt on dit que c’est l’aîné, c’est-à-dire « Manding
Pou », cela veut dire 10. La Basse-Guinée, c’est « Manding Fou », qui
veut aussi dire 10. La Haute-Guinée, c’est le cadet et cela veut dire
10. Donc les trois Mandingue se distinguent par le chiffre 10. Traoré
par exemple, tu ne peux pas savoir s’il est né en Haute Guinée, en Forêt
etc. Quelqu’un qui est Fofana, Touré, Camara, Sylla vous ne pouvez pas
savoir s’il vient de la Haute Guinée, de la Forêt ou de la Basse Guinée.
La malhonnêteté, c’est de dire qu’on a nommé un Traoré et il est
Malinké. Le ministre des Transports est Traoré, il est de la Haute
Guinée. Le Gouverneur de la Banque Centrale est Traoré et il est Kolon,
une ethnie minoritaire. C’est très facile de dire que tout le monde est
Malinké. Le Premier ministre est Fofana, il est Soussou et il est de
Forécariah. Le ministre des mines et de géologie est Fofana et il est de
Kankan etc. Ensuite, c’est un changement de régime, ce n’est pas un
changement de gouvernement. Je ne vais pas mettre à des places
stratégiques des gens qui ont déjà géré. Moi, je ne suis pas venu pour
faire de l’équilibre ethnique. Je suis là pour redresser la Guinée. Et
comment pourrais-je nommer des cadres qui ont fait une mauvaise gestion.
Je n’ai pas pris d’anciens ministres, en dehors du ministre des
Finances et de trois militaires, parce que je ne pouvais pas faire
autrement. Sinon, j’ai pris des gens expérimentés, en leur disant
clairement que je ne protégerai personne. Celui qui sera épinglé par un
audit aura des problèmes avec la Justice.
Mais en nommant des
cadres, je prends en compte leur comportement au niveau de
l’administration passée, de leurs gestions passées etc. Et puis le
problème ne peut pas se poser. En Europe, lorsque la droite vient au
pouvoir, on trouve normal que le Président nomme des préfets de la
droite et non de la gauche.
Ici, on veut que je nomme des gens
qui sont manifestement contre ma politique. Vous savez, il faut rétablir
les choses. C’est l’Ufdg qui a mené une campagne, en disant que c’est
notre tour. Il ne faut pas déformer l’histoire. Dans la campagne
électorale, le seul mot d’ordre de mon vis-à-vis, c’était de dire que
c’est notre tour. Cela a amené tous les autres à se coaliser. Donc c’est
eux qui ont rejeté les autres, mais moi, en tant que Président, je dis
que la Guinée c’est une voiture à quatre roues, donc je tends la main à
tout le monde. Mais, il ne faut pas qu’on déforme l’histoire. On sait ce
qui s’est passé lors de la dernière campagne électorale. Si une ethnie
dit c’est mon tour et s’oppose à toutes les autres ethnies, on casse des
véhicules, menace des Peuls qui ne sont pas dans cette mouvance, voilà
ce que ça donne. C’est très facile d’aller sur Internet et de raconter
des histoires. Aujourd’hui, tous les Malinkés, tous les Soussous, tous
les Forestiers sont présentés comme des Malinkes. Un Traoré, si vous ne
l’entendez pas parler, vous ne sauriez jamais s’il est Soussou,
Forestier ou Malinké.
Ne pensez-vous quand même pas que le
temps est arrivé pour les élites politique de ce pays, à commencer par
vous-mêmes et Cellou Dalein Diallo, de se mettre à table pour essayer de
dépasser ce problème ethnique qui plombe l’avenir de la Guinée et tenir
un langage de vérité à tous les guinéens ?
Vous avez vécu le
28 juillet. Comment pouvez-vous vous mettre autour d’une table avec des
gens qui n’ont qu’une idée en tête : celle de vous assassiner. Tout le
monde sait que si je n’avais pas parlé tôt le matin, il y aurait eu la
guerre civile en Guinée. Voilà, des gens qui disent qu’ils sont
politiciens et qui organisent des attentats contre le président de la
République. Vous êtes journalistes, c’est la première fois qu’il y a un
attentat contre un chef d’État sans qu’il n’y ait rien eu. Kpatcha est
pourtant le frère du Président Faure (NDLR : il fait allusion au Togo),
mais depuis qu’il a été arrêté, personne n’a pu lui rendre visite. Ici,
j’ai permis aux ambassades et à la Croix-rouge de leur rendre visite.
J’ai demandé aux populations de ne pas sortir ; chacun n’a qu’à vaquer à
ses occupations, je ne veux pas de manifestations de soutien.
Voyez-vous ? Vous ne pouvez pas dialoguer avec des gens qui veulent la
guerre civile en Guinée. Le problème de la réconciliation nationale, ce
n’est pas l’affaire des hommes politiques, c’est l’affaire du peuple
guinéen. Moi, je reçois tout le monde.
Monsieur le Président, vous avez parlé de tentative d’assassinat. Mais qui a fait le coup et avec quelle complicité ?
Nous
savons très bien que le numéro deux de l’Ufdg (NDLR : Union des forces
démocratiques de Guinée), Bah Houri, qui a fui, a été un des principaux
organisateurs, de l’intérieur. Je n’ai pas voulu qu’on l’arrête, qu’on
attende que la Justice lance un mandat. Ce qui lui a permis de fuir. On a
dit partout que je l’ai tué. Après, il a parlé sur Rfi. Lui-même, a dit
qu’il ne pouvait pas ne pas agir. Il a avoué. C’est le numéro deux
officiel de l’Ufdg, sans compter ceux qui se réunissaient à Dakar, à
l’hôtel Méridien-Président.
Des rumeurs font justement état d’une implication de l’État du Sénégal et même de la Gambie. Vous en dites quoi ?
J’ai
clairement dit au ministre Madické Niang (NDLR, ministre d’État,
ministre des affaires étrangères) et au ministre des affaires étrangères
de Gambie, que j’estime que les choses ont été préparées à l’hôtel
Méridien Président, à Dakar et qu’il y a eu des va-et-vient entre Dakar
et Banjul. J’estime que cela ne pouvait pas se faire à leur insu. J’ai
été très clair. J’ai dit à votre ministre des affaires étrangères de
façon claire, que je pense qu’il y a eu une complicité du gouvernement
du Sénégal et de la Gambie, même s’ils disent qu’ils ont manqué de
vigilance.
Mais comment en êtes-vous arrivés à pointer du doigt ces deux pays ?
Mais
parce que toutes les réunions se faisaient à l’hôtel
Méridien-Président. Et Sadaka Diallo, (NDLR, cousin de Cellou Dalein
Diallo) disait à qui voulait l’entendre, qu’il allait organiser un
attentat contre moi. Demandez à l’ambassade de France ici. Je l’en ai
informé et j’ai informé certains pays amis.
Avez-vous évoqué ce problème avec le Président Wade ?
Non,
je n’ai pas encore eu l’occasion de le faire. Mais j’ai discuté avec
son envoyé. Le ministre d’État, Mamadou Diop Decroix, lorsqu’il est venu
ici. Il a informé le Président Wade que pour les Guinéens, tout a été
préparé à Dakar. Et quand le ministre est venu, je lui ai dit que
c’était effectivement le point de vue des Guinéens.
N’êtes-vous
pas devenu paranoïaque, au point de voir du danger partout ? Est-ce que
ce n’est pas parce que M. Cellou Dalein Diallo, un de vos adversaires
les plus coriaces, séjourne régulièrement à Dakar que vous voyez du
complot partout ?
Mais, je n’ai jamais parlé de Cellou
Dalein. J’ai parlé de gens qui se réunissent à l’hôtel. On les connaît,
c’est Tibou Camara, Sadaka etc. Je n’ai jamais parlé de Cellou Dalein.
Moi-même, lorsque j’étais dans l’opposition, je séjournais régulièrement
à Dakar. J’avais de très bons rapports avec le Président Diouf et par
la suite avec le Président Wade. Que Cellou séjourne donc à Dakar, n’est
pas un problème pour moi. Mais lorsque des gens se réunissent pour
préparer des attentats, au vu et au su de tous, cela constitue un
problème. Pourquoi je n’accuse pas le Mali, le Libéria, la Sierra-Leone
Et pourquoi la Gambie ?
Quand
je prends par exemple Tibou Camara, sa femme est la sœur de la femme de
Yaya Jammeh. Tibou Camara a quand même dit, à Malabo, que l’Armée va
marcher sur le Palais. Demandez aux Guinéens qui sont en Guinée
Équatoriale, ils pourront vous dire ce que Tibou a dit contre moi.
Est-ce
que ce n’est pas justement cela qui vous a poussé à changer
d’ambassadeur, en nommant à Dakar, Madifing Diané, un ancien ministre
chargé de la sécurité sous le régime de Lansana Konté ?
Non.
D’abord, tous les ambassadeurs ont été rappelés... Aujourd’hui, je suis
obligé de nommer dans les pays voisins des gens expérimentés qui
pourront suivre les actes de déstabilisation contre moi. Et puis, celui
que j’ai nommé, c’est un haut cadre qui a été ministre et je crois que
le Sénégal a la tradition de nommer des généraux aux postes
d’ambassadeurs et tout le monde trouve cela normal. Depuis Diouf, on
nomme des généraux comme ambassadeurs. Je ne vois donc pas ce qu’il y a
d’anormal, dans le fait que la Guinée nomme des personnes qui ont déjà
eu à occuper des postes au niveau de la sécurité, alors que le Sénégal
le fait tout le temps.
L’axe Dakar-Conakry est un axe visiblement sous surveillance ?
Moi,
je ne surveille aucun axe. Je prends simplement mes dispositions, pour
que les gens ne déstabilisent pas la Guinée à partir de pays voisins,
quel que soit le pays.
Dakar-Conakry a toujours été un axe
important, depuis Sékou Touré. Comment vous expliquez-vous, qu’il y ait
ce glissement vers une situation visiblement incontrôlée, après quand
même une longue période de relations apaisées ?
Pour moi, il
n’y a pas de situation incontrôlée. J’ai dit au ministre d’État, Me
Madické Niang, que Alpha Condé va passer, Abdoulaye Wade aussi va
passer. Tout le monde va passer. Mais les peuples Guinéen et Sénégalais
restent. Ce sont deux peuples frères. Le peuple Sénégalais et le peuple
Guinéen sont éternels. Ils sont appelés à vivre ensemble. La preuve,
vous ne m’avez pas entendu faire une déclaration, mais chacun doit
savoir que je suis au courant de tout ce qui s’est passé. Et tant que je
serais là, je ferai tout pour renforcer l’unité de ces deux peuples.
Mais quelles seraient selon vous les motivations du Sénégal à vous déstabiliser ? Les ressources naturelles de votre pays ?
Posez
la question aux autres ! Moi,je vais m’organiser pour protéger la
Guinée, c’est tout. On a l’impression que vous ne voulez pas tout nous
dire et que vous êtes en train de vous censurer ?
Je ne suis plus un opposant, je suis le président de la
République. La Guinée doit avoir une politique de bon voisinage avec
tous ses voisins. Je suis un grand panafricaniste, mon rôle est de
mettre l’accent sur ce qui nous unit et d’essayer de diminuer ce qui
nous divise.
Nettali