Pessimiste sur l’issue de la médiation du panel des cinq chefs d’Etat, l’artiste Tiken Jah Fakoly, exhorte les Ivoiriens à mener des actions populaires et à descendre dans les rues pour chasser l’ancien président Laurent Gbagbo qui s’accroche au pouvoir. Il avertit qu’en cas d’échec de l’UA contre Gbagbo, il va appeler au boycott de l’organisation panafricaine.
C’est ce qu’on appelle une drôle de coïncidence. Le 17 février, depuis Dakar, où il se trouvait Guillaume Soro, Premier ministre d’Alassane Ouattara, avait appelé les Ivoiriens à "faire la révolution" comme en Egypte et en Tunisie et à chasser du pouvoir l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo qui s’y accroche.
Le même jour l’artiste Tiken Jah Fakoly, qui a pris position depuis la proclamation des résultats, a, à son tour, appelé le peuple de Côte d’Ivoire à se donner la main "comme un seul homme" à travers un soulèvement populaire pour déloger le "groupuscule de personnes avec des miliciens" du pouvoir.
Ce n’était pas seulement aux journalistes maliens que Tiken s’adressait au cours d’une conférence de presse, tenue chez lui, mais également aux Ivoiriens. Puisque la conférence était retransmise en directe sur une radio privée de la capitale économique ivoirienne, au grand bonheur d’Abidjanais.
Celui qui, avec Alpha Blondy pense que Laurent Gbagbo a perdu l’élection présidentielle, a indiqué que les Ivoiriens doivent prendre leur destin en main et amener une "autre" Côte d’Ivoire en se débarrassant des "ordures". "Le soulèvement populaire" est, à ses dires, la solution appropriée.
L’orateur a salué le courage des résidents du quartier d’Abobo (Abidjan) qui, à l’en croire, sont en train de se battre et défendre la cause de la majorité des Ivoiriens. Il a souhaité que leur exemple soit suivi et soit le déclic de la révolution populaire. Conscient que ces genres d’actions ne vont pas sans sacrifices, l’artiste a invité les Ivoiriens à se mobiliser partout ils se trouvent et à ne pas se décourager pour que vivent la vérité et la justice. "Il ne peut pas y avoir de paix sans justice", a tranché Moussa Doumbia.
La rue décisive
Il a dénoncé l’injustice caractérisée de Laurent, qui autorise ses partisans à se réunir sans entrave à Yopougon, mais fait la chasse à ceux d’Alassane Ouattara à Abobo, Koumassi ou Treichville. Pronostiquant sur la médiation du panel des chefs d’Etats, l’auteur de "Mangercratie", s’est dit pessimiste sur la démarche entreprise par le nouveau président de l’UA qui, après 23 ans de pouvoir, "ne peut rien décider de concret".
Toutefois, il a souhaité que les cinq chefs d’Etat (Ndlr : ils devaient séjourner à Abidjan hier lundi) surprennent en tenant un langage de fermeté à l’égard de Gbagbo Laurent. Sans quoi, "ce qui se passe en Côte d’Ivoire, d’autres présidents vont l’imiter". "C’est un autre modèle de coup d’Etat électoral qui s’instaure, si Gbagbo parvenait à se maintenir".
Il n’a pas écarté l’hypothèse d’appeler la jeunesse africaine à boycotter l’Union africaine (UA) en cas d’échec à faire partir Gbagbo. "Nous allons mener une campagne pour dire non à toutes les actions de l’UA et exiger sa dissolution", a menacé Tiken. Le problème en Côte d’Ivoire, a-t-il indiqué, va au-delà des frontières et presque tous les foyers de la sous-région ont subi ses conséquences.
Farouchement contre l’intervention militaire qui va faire des centaines de tués innocents, M. Fakoly, pense qu’elle va engendrer d’autres tués par les milices de Gbagbo. Cependant, il salut les sanctions économiques. "Si, elles auront un effet immédiat", car, dira-t-il, le peuple de Côte d’Ivoire a faim.
Il faut rappeler qu’après une première nuit de couvre-feu entre vendredi et samedi, plusieurs quartiers d’Abidjan ont renoué le 19 février avec la violence. Les partisans d’ADO ont été empêchés de manifester par des tirs de Kalachnikov et de gaz lacrymogènes des FDS. Conséquence : les jeunes militants du RHDP ont exprimé leur colère en érigeant des barricades, en enflammant des pneus et à Kumasi un camion a été incendié. Plusieurs personnes tuées
Les Échos du 23 Février 2011.