Nous
nous sommes entretenu avec cette paysanne sage dans son verger de
Pelengana, cercle de Ségou, à 140 kilomètres de Bamako. Du haut de ses
70 ans révolus, cette citoyenne française est retraitée de la vie
associative. Elle est installée à Ségou depuis bientôt cinq ans. Elle
exploite cinq hectares dans la commune rurale de Pelengana.
Le temps de notre "Niéléni blanche" est partagé entre sa passion
"l'agriculture" et sa maison qu'elle ne squatte que le moment d'un
repas ou pour dormir. "J'ai décidé de faire le développement
autrement", explique Marie, en évoquant ses motivations pour son
activité. Elle exploite un système qui intègre tous les éléments de
l'agro-élevage. "Il y a seulement trois ans, il n'existait rien ici",
nous apprend Moussa Sangaré, coexploitant du verger de Marie Solange.
Tout en parlant il montre du doigt les limites tracées par une muraille
en dur du grand espace. En franchissant le grand portail rouge qui
sécurise l'entrée de l'enceinte verte, le visiteur est frappé par la
modernité des équipements techniques mis en place pour l'exploitation
de ce verger.
Un groupe électrogène est installé à côté d'un forage auquel est
connecté un château d'eau de plus de 2000m3. Ce dispositif alimente un
système d'adduction interne qui permet d'irriguer les plants. La
paysanne moderne a compartimenté son aire de culture pour une
exploitation rationnelle de son espace. Elle veut que chaque portion
soit mise en valeur. Une surface réservée aux plantations de bananes,
papayes, variétés améliorées de jujube, de mangue, d'orange tangelo, de
citron, de dattes, entre autres. Une autre parcelle est affectée à la
production de céréales comme le mil et le maïs. Le jardin potager est
aménagé pour la production des légumineuses .
La perspicace Marie Solange Jean travaille selon une idée arrêtée:
aucune matière entrant dans son activité ne doit venir d'ailleurs. Tout
est produit sur place. Elle a creusé des fosses de compostage dans
l'enceinte du verger. Elle y prépare des fientes de volailles issues de
l'activité avicole menée sur le site et les résidus de ses récoltes.
plus
de 50 millions de Fcfa. Aujourd'hui. L'inves-tissement consenti par
l'exploitante est estimée à plus de 50 millions de Fcfa. Dans ce
métier, il faut reconnaître que pour réussir, il faut disposer de fonds.
Mais, compte tenu de la difficulté d'accès des paysans au crédit, il
faut compter sur ses propres forces, estime Marie. C'est pourquoi elle
a intégré l'aviculture pour financer son activité agricole qui demande
un investissement à long terme. "La vente des oeufs est une activité
très lucrative. Elle aide à gagner rapidement des fonds pour les
investir ailleurs. Aujourd'hui, son entreprise est très rentable. La
fermière affirme qu'avec 1200 pondeuses, elle parvient à financer les
autres activités de son verger. "Les oeufs me rapportent entre 40 et 45
000 Fcfa par jour" selon elle. L'élevage des pigeons est aussi très
rentable.
L'espèce de pigeon apelé le "label Marie"est très prisé sur le marché
ségovien. La paire est vendue entre 3000 et 5000Fcfa. "Il faut savoir
faire de l'argent avant de compter sur l'aide extérieure, même si cela
est indispensable", affirme-t-elle. L'exem-ple de Marie a fait tâche
d'huile à Ségou. De plus en plus de fonctionnaires, d'opérateurs
économiques et de particuliers étoffent son voisinage. C'est le cas de
François, employé d'une entreprise de BTP à Bamako. Bien qu'il réside Ã
Bamako, François a un pied à Pelengana. "J'ai été convaincu par Marie
l'année dernière d'acheter un terrain ici pour en faire un verger",
confie-t-il. A un jet de pierre de l'enclos de Marie, François possède
deux hectares qu'il a clôturés en fils de fer barbelés. Le
fonctionnaire agriculteur veut commencer par l'aviculture, un
investissement à court terme, pour démarrer ses activité. Le fonds
géneré par cette activité servira à financer les travaux d'aménagement
de son verger.
Un marché de 2 millions d'habitants. La disponibilité d'eau et de
terres arables sont les premiers atouts d'une entreprise agricole.
"se
développer autrement". Le potentiel agricole dont dispose la région de
Ségou permet d'assurer l'indépendance alimentaire des paysans en créant
une plus value qui peut assurer le développement économique et social
durable de la 4è région. C'est ce que Marie Solange appelle
affectueusement "se développer autrement". Ce concept, selon elle, doit
intégrer tous les projets de développement local. Il s'agit de la
promotion d'un agro-élevage créateur d'emplois en multupliant les
sources de revenus par l'approvisionnement du marché en produits
alimentaires de première nécessité.
Les 2000 000 d'habitants que compte la région offre un marché
important, constate Marie Solange. "Si nous parvenons à approvisionner
correctement et régulièrement notre marché local, assure-t-elle, aucun
produit étranger ne pourra nous concurrencer". Notre interlocutrice est
indignée par le monopole de l'oignon importé d'Europe sur le marché
national et le marché local de Ségou.
La production nationale d'oignon dépasse la demande sur le marché. "
Pourquoi ne pas développer les méthodes de conservation de l'oignon
local pour ne plus dépendre de l'extérieur", suggère-t-elle.
Les fruits et légumes susceptibles d'être produits par la région
répondent largement aux besoins des consommateurs, appuie Modibo Keïta,
président de la coopérative des agro-éleveurs de Pelengana. Il juge que
les obstacles au développement du secteur sont le manque d'organisation
des acteurs et d'accompagnement des pouvoirs publics. "Nous les
acteurs, nous devons nous regrouper au sein d'organisations capables de
défendre nos interêts à tous les niveaux", estime le responsable des
agro-pasteurs de Pelengana. Il est convaincu que "l'agriculture seule
peut vaincre la pauvreté et la faim, surtout en milieu rural".
Aujourd'hui, on a constaté une timide organisation dans le milieu des
professionnels du secteur à Ségou. Après la création d'une coopérative
qui compte en son sein tous les agro-éleveurs de la zone, d'autres
projets sont envisagés. La coopérative a créé un compte bancaire pour
la gestion de ses fonds. Pour le moment, les ressources propres de la
coopérative proviennent des frais d'adhésion et des cotisations
mensuelles des membres, indique Modibo Keïta.
Malgré ces efforts, la coopérative d'agro-éleveurs de Pelengana est
confrontée à des difficultés de financement. Elle privilégie dans sa
stratégie de développement le partenariat entre privés et le
partenariat, privé/public.
Dans ce cadre, elle envisage de soumettre des projets agro-pastoraux
qui participent au développement du secteur et à l'atteinte de
l'autosuffisance alimentaire dans la région.
La multiplication des vergers autour de la ville de Ségou et dans toute
la région, participera à l'équilibre alimentaire des populations. La
disponibilité des fruits et légumes de qualité en quantité contribuera
à baisser le prix et rendre les produits accessibles à tous.
Les vergers créeront des emplois temporaires et fixes. L'exode rural
sera considérablement freiné par la diversification des activités
génératrices de revenus. L'économie locale de façon générale connaîtra
un essor sans précédent.
C. A. DIA