Ibrahima Cissé, président du parti Espoir réel (PER), a bien voulu répondre aux questions du journal‘’
Le Républicain ‘’ sur la corruption au Mali. Il a notamment fustigé l’attitude du Premier ministre, Modibo Sidibé qui s’était demandé qui et où sont les corrupteurs ?
Le Républicain : Quels sont les secteurs les plus touchés par la corruption dans notre pays ?
Ibrahima Cissé : Il me faut d’abord rappeler la position de notre parti, le PER. Nous sommes un parti de l’opposition, signataire du FDR. C’est à ce titre que nous devons donner la vraie version des problèmes. L’obligation démocratique et le devoir patriotique nous obligent aujourd’hui à nous prononcer sur la corruption, ce fléau qui gangrène notre pays. Nous avons suivi avec attention l’émission ‘’ Question d’actualité ‘’ du 26 octobre dernier qui avait comme invité le Premier ministre Modibo Sidibé. J’ai été très surpris d’entendre le Premier ministre demander qui sont les corrupteurs et où sont-ils. Cette question est peut-être adressée à la classe politique malienne et au peuple malien.
Nous considérant comme un parti du peuple malien, nous avons un devoir de réponse à cette question. Sans aller loin, je pense que les corrupteurs sont autour du Premier ministre. Donc, je lui renvoie la question, c’est à ce niveau qu’on cherche les corrupteurs. Pour revenir à votre question, je pense que parmi les secteurs les plus touchés, il y a l’éducation, les finances publiques, pratiquement, tous nos ministères. C’est surtout dans les services publics. Les privés ne sont pas aussi corrompus que les services publics qui sont le lieu où les taxes et les impôts de l’ensemble du peuple malien sont gérés et c’est vraiment à ce niveau qu’on parle de corruption.
Donc, aujourd’hui, ce serait trop dire que de parler d’éradication, mais comment peut-on atténuer la corruption ?
Il faut d’abord chercher de ‘’ bons Maliens, ‘’ en terme patriotique, des hommes qui aiment leur pays. Quand le pays met des choses à ta disposition, il faut qu’à ton tour, tu lui rendes service. Pratiquement, ce n’est pas le cas, chacun est venu pour sa famille, sa personne… je prends un exemple : rares sont aujourd’hui les fils de nos ministres, de nos hautes autorités qui étudient ici, au Mali. Ils étudient tous à l’étranger et ce sont ces mêmes gens qui gèrent les affaires du pays. Ça coûte cher de payer les études d’un jeune à l’étranger. Où les cadres du pays prennent-ils cet argent ? Ce n’est pas le ministère qui gère ? Nous avons, ici de grandes écoles qui n’ont rien à envier aux grandes écoles internationales. Donc, il faut accepter d’inscrire les jeunes ici. Au niveau de certains marchés, il faut signaler la surfacturation. Les ministres viennent souvent avec leurs hommes qu’ils protègent au niveau des affaires. Les marchés d’appel d’offres sont attribués d’avance. Alors, on vient tout simplement pour remplir des formalités et jeter de la poudre aux yeux. La corruption sévit aussi, à ce niveau. Or, on donne des marchés à des gens qui n’ont pas la capacité et l’on est souvent obligé de reprendre les mêmes marchés, parfois en surfacturant. Cela se fait au vu et au su de tous les grands cadres du pays. Je pense que c’est une situation qu’il faut arrêter et faire travailler les gens qui ont la capacité de travailler à moindre frais et dans des délais requis. Pour atténuer la corruption, tout est centré autour de l’homme, il faut désigner les personnes qui maîtrisent les dossiers, qui aiment leur pays, qui ont réellement envie de faire leur carrière et c’est là où je fais appel à la jeunesse, il faut qu’on pense à la jeunesse, car c’est l’avenir. Je ne pense pas que quelqu’un qui inscrit ses visions pour l’avenir soit aujourd’hui un grand corrupteur.
L’Etat, selon vous, n’est donc pas le mieux indiqué pour lutter contre la corruption…
Non ! L’Etat n’est pas le mieux indiqué. L’Etat ne peut même pas lutter contre la corruption. Qui est le corrupteur ? C’est à cette question que je répondais au Premier ministre. Il n’a qu’à chercher autour de lui. Ils sont là. Les milliards qu’on nous donne, je pense que le budget de l’Etat, c’est plus de 1000 milliards par an, qui les gère ? C’est eux, de la présidence jusqu’aux différents ministères, c’est ceux qui gèrent les fonds de l’Etat et c’est à ce niveau qu’on parle de corruption. Je pense qu’aujourd’hui, c’est la société civile qui peut lutter contre la corruption. On peut mettre à contribution les partis politiques de l’opposition car, nous aussi, nous pouvons lutter contre la corruption puisqu’on sait où se trouve le problème. Nous avons suivi l’intervention du Premier ministre et les états généraux sur la corruption mais la solution est loin d’être connue, à plus forte raison d’être trouvée.
Propos recueillis par Baba Dembélé
03 décembre 2008